Madagascar traverse une page historique de sa vie politique. En quelques jours, un nom jusque-là inconnu du grand public est devenu central : Michael Randrianirina, un colonel respecté, charismatique et déterminé, désormais à la tête du pays. Son appel à la désobéissance militaire face à la répression des manifestations a bouleversé l’équilibre du pouvoir et provoqué la chute du régime d’Andry Rajoelina. Mais qui est cet homme de 51 ans, issu du sud aride de la Grande Île, et que représente son arrivée au pouvoir ?
Un visage révélé par la crise
Le 11 octobre dernier, les Malgaches découvrent pour la première fois le visage du colonel Michael Randrianirina à travers une vidéo devenue virale. Dans ce message adressé aux forces de sécurité, il appelle ses frères d’armes à ne pas tirer sur les manifestants qui protestent contre la cherté de la vie, les coupures d’eau et d’électricité et la corruption endémique.
Ce geste de courage, dans un contexte de tension extrême, a instantanément fait de lui le symbole de la résistance et de la dignité nationale. Quelques heures plus tard, son nom résonnait dans tout le pays, des rues d’Antananarivo aux villages reculés du Sud. Cet appel à la désobéissance a marqué un tournant : il a ouvert la voie à un mouvement de mutinerie au sein de l’armée et précipité la chute du régime en place.
Des origines modestes à l’élite militaire
Né en 1974 dans la région d’Androy, à l’extrême sud de Madagascar, Michael Randrianirina est un enfant du pays profond, habitué aux conditions de vie difficiles d’une région parmi les plus pauvres du territoire. Après des études exemplaires, il intègre l’Académie militaire d’Antsirabe, où il se distingue par sa rigueur, sa discipline et son sens du devoir.
Sa carrière militaire est marquée par plusieurs postes à responsabilité : il dirige le bataillon d’infanterie de Tuléar avant d’être nommé, entre 2016 et 2018, gouverneur de la région d’Androy, sa terre natale. Cet homme de terrain, proche des populations locales, acquiert une réputation d’intégrité et de fermeté.
Son parcours témoigne d’une double expérience : celle du soldat formé à la stratégie et à la hiérarchie, et celle de l’administrateur rompu aux réalités sociales et économiques du pays. C’est cette combinaison rare qui a forgé son autorité et son influence actuelle.
Un opposant silencieux devenu symbole de résistance
Connus pour ses prises de position critiques à l’égard du pouvoir, Michael Randrianirina n’a jamais caché son désaccord avec la gouvernance d’Andry Rajoelina. En novembre 2023, il est arrêté et incarcéré à la prison de Tsiafahy, au sud d’Antananarivo, pour « incitation à la mutinerie militaire ».
Libéré en février 2024, après une condamnation à un an de prison avec sursis pour atteinte à la sûreté de l’État, il sort de prison avec une aura nouvelle : celle d’un officier courageux qui a osé s’opposer au système.
Malgré tout, il adopte une attitude modeste. « Je ne suis qu’un simple officier, un exécutant », déclare-t-il après sa libération, minimisant son rôle dans les tensions politiques. Mais en privé, il exprime une vision claire : celle d’un pays en déclin qu’il faut redresser. « Il n’y a rien qui marche à Madagascar », affirme-t-il à plusieurs reprises, dénonçant la corruption, la pauvreté et le gaspillage des richesses nationales.
Le tournant d’octobre 2025 : la chute du régime Rajoelina
Le 11 octobre marque le début d’un basculement irréversible. L’appel du colonel à la désobéissance trouve un large écho dans les rangs de l’armée. Les forces de sécurité refusent d’exécuter les ordres de répression, tandis que la rue s’embrase dans plusieurs villes.
Le 14 octobre, lors d’une conférence de presse solennelle, Michael Randrianirina annonce la suspension de la Constitution et la prise du pouvoir par l’armée. Dans une déclaration ferme, il dénonce le « piétinement continu de la Constitution », le « bafouement des droits de l’homme » et le « gaspillage des trésors de la nation ». Il affirme agir « en accord avec les revendications de la jeunesse, soutenue dans toute l’île ».
Ce discours, à la fois grave et porteur d’espoir, scelle la fin du régime Rajoelina. En quelques heures, les institutions sont suspendues, l’armée prend le contrôle du territoire et un gouvernement de transition est mis en place. La Haute Cour constitutionnelle, constatant la vacance du pouvoir, invite alors le colonel Randrianirina à exercer la présidence de la République à titre transitoire.
Un homme de transition ou un futur chef d’État ?
Depuis sa prise de pouvoir, Michael Randrianirina s’efforce de se présenter comme un chef de transition plutôt qu’un dictateur. Il promet de restaurer la stabilité, de rétablir l’ordre constitutionnel et d’organiser des élections libres dès que les conditions seront réunies. Il affirme vouloir diriger un gouvernement civilo-militaire temporaire, en associant la jeunesse, les syndicats et les partis politiques au dialogue national.
Cependant, ses intentions suscitent interrogations et prudence. S’il a conquis le cœur de nombreux Malgaches lassés des promesses politiques, il devra désormais prouver sa capacité à gouverner un pays en crise :
Crise économique, avec une monnaie fragile et une inflation galopante ;
Crise sociale, marquée par un fort chômage des jeunes et des inégalités régionales profondes ;
Crise institutionnelle, après des années de méfiance envers les institutions et la classe politique.
Sa légitimité repose aujourd’hui sur la promesse de changement et la restauration de la confiance. Il devra transformer la ferveur populaire en réformes concrètes et durables.
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